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Purge décrit la relation de deux femmes, l'une très vieille et l'autre très jeune, et à travers cette histoire celle de l'Estonie entre 1936 et 1992. Sofi Oksanen, très connue en Finlande, fait preuve à 34 ans d'une maturité étonnante et d'une maîtrise de l'écriture surprenante. "L'Estonie existe maintenant." Et de façon forte, violente. On découvre en effet l'histoire de ce peuple soumis à des invasions successives, marqué par la peur, par le viol des femmes et du pays. La chronologie en fin d'ouvrage est bien utile pour replacer les événements du roman dans leur contexte historique. Si l'on pense d'abord fortuite la rencontre entre les deux femmes, Des deux femmes c'est le personnage d'Aliide le plus fascinant. Si l'on croit d'abord qu'elle est une brave grand'mère que les gamins du village se plaisent à embêter, on est vite détrompé. Elle a subi et fait des choses terribles qu'on va découvrir peu à peu. Le récit de ces événements est très fort, d'autant plus que les choses ne sont pas toujours dites explicitement, comme dans la page du viol par exemple. L'utilisation du contexte politique pour servir ses propres intérêts et notamment un amour non partagé est redoutable (on pense au récit Le gué de Ramon Sender). Cette femme est mauvaise, mais peut-être une rédemption est-elle possible, elle tente en tout cas de se racheter à la fin. A travers les destins individuels l'auteur décrit la vie rurale et la condition féminine dans un contexte historique d'une terrible brutalité. Elle montre ce que les individus sont obligés de faire pour leur survie dans ces régions oppressées depuis si longtemps, quand tout le monde ment à tout le monde, quand tout le monde trahit tout le monde, quand il n'y en a plus un pour racheter l'autre. Le corps est très présent – il sent, il transpire, il tremble, il souffre – mais pour pouvoir continuer il faut l'oublier, il faut ne pas y penser. L'enfermement est omniprésent, qu'il soit subi ou voulu par nécessité de se cacher, on peut dans ce cas se sentir enfermé même dans la forêt. La construction narrative est remarquable. Les panneaux de l'histoire se dévoilent au fur et à mesure, avec des sauts temporels, des retours arrière, des morceaux de récits, les petits mots et lettres de Hans qui ne prennent sens que peu à peu, les rapports de police pour finir. C'est "comme un puits, on tombe, et puis on tombe plus bas, et puis de plus en plus bas". Un livre fort et captivant. Sofi Oksanen livre une part de son vécu et de celui de sa mère, estonienne (elles partaient parler dans la forêt car "les murs ont des oreilles"). Engagée politiquement, elle est contestée dans son propre pays. Elle fait preuve de courage en racontant faits et événements que certains préfèreraient garder cachés.
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