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Ouvrage 

Titre:
La carte et le territoire
Auteur:
Houellebecq (Michel)
Edition:
Flammarion
Réunion du:
11.01.2011

Commentaire

carteterrito On cherchait à se faire une idée de ce qui fait polémique au sujet du dernier Goncourt. Le lecteur qui a proposé l'exercice, espérant susciter une empoignade amicale (qui va effectivement avoir lieu), est lui-même partagé. Plutôt défenseur de Michel Houellebecq depuis Extension du domaine de la lutte, il a relu La carte et le territoire pour l'occasion et en a vu les faiblesses. Certes on est en présence d'un vrai romancier, qui sait créer des personnages et les mettre en situation, qui sait capter l'air du temps dans les postures médiatiques ou encore dans la prédominance de l'argent et des marques. Il présente également une cohérence thématique en traitant dans chaque livre un point précis : la misère au travail, la misère sexuelle, ici la non pérennité des choses, le cancer, le pourrissement. Mais l'écriture qui se veut neutre et blanche manque de densité, l'usage des fiches wikipédia, notices et autres modes d'emploi est un peu systématique, la vision du monde contemporain ne débouche sur rien, bref il manque quelque chose.

 

Cet avis est partagé par quelques uns, qui ont abordé la lecture avec réticence et qui ont été surpris. Le roman est bien "ficelé", il se lit avec plaisir, les personnages sont bien typés, l'ambiance est juste, on y trouve des moments intéressants et des scènes bien vues. Mais tout cela n'est pas sans réserves. Le polar de la dernière partie est perçu comme un peu décalé par rapport au reste. On note toutefois que c'est plus fort qu'Agatha Christie : la victime est l'auteur ! Et surprise, ce n'est pas le peintre qui a tué. Il y a aussi de la prétention, de la complaisance, dans les déclarations de certains personnages délivrant leur lecture du monde ou leur décryptage de la vie. Et comment vieillira le roman quand on ne saura plus qui sont les personnages actuellement influents du monde médiatique ? L'utilisation par l'auteur de sa propre personne comme protagoniste, le jeu avec son image médiatique est par contre apprécié comme preuve d'originalité, de liberté, de culot. Enfin l'artiste peintre, quel que soit le regard qu'on porte sur lui, est sauvé par sa création.

 

Autrement dit des lecteurs, ni ennuyés ni réellement accrochés, qui ne comprennent pas les positions extrêmes suscitées par le roman, ni les éloges dithyrambiques ni les condamnations sans appel.

 

Mais il y a aussi des rejets plus radicaux : "Le roman est médiocre, on a le sentiment de feuilleter un roman photos. On ne décolle pas du quotidien. Ce n'est pas un style qui fait rêver, on reste à la surface, il faudrait lire au 5ème ou 10ème degré. L'auteur fait de la provocation, il décrit un personnage maniaque – ce serait lui-même – et le tout n'en fait pas un bon livre. Il n'y a pas de rêve, il n'y a que la mort, une ambiance glauque, une absence de lien social, les valeurs sont absentes."

 

A l'opposé c'est pour certains une véritable découverte : "J'ai beaucoup aimé, je me suis régalé, je me suis laissé prendre absolument, pour moi c'est un écrivain." Bien qu'affirmant ne pas s'expliquer pourquoi ils ont tant aimé le roman, ils nous donnent quelques pistes. L'auteur pose son regard sur le monde tel qu'il est aujourd'hui, avec ironie mais sans jugement. Il décrit fort justement ce monde vide, ce monde dans lequel les gens ne savent pas pourquoi ils font les choses, ce monde dans lequel nous passons bien du temps, nous aussi, à lire des notices et à feuilleter des revues. C'est une bonne carte de l'époque, il sera intéressant dans l'avenir de revenir à ce tableau de notre vie d'aujourd'hui. C'est aussi un livre apaisé, en particulier dans les relations père fils et dans les relations amoureuses. La relation avec le père est bouleversante, l'auteur dévide avec art cette relation qui n'en est pas une, ni l'un ni l'autre ne faisant l'effort nécessaire pour la faire réellement exister. Enfin à travers l'évolution du personnage principal on a une très belle réflexion sur l'art. "La dernière page est magnifique, c'est un tableau vivant."

 

En décalage par rapport à tout, l'auteur a aussi le mérite de sortir de la convention sociale et de dynamiter les choses.

 

En guise de commentaire, une lectrice livre une anecdote. Alberto Manguel a déclaré n'avoir jeté que deux livres : American Psycho et Les particules élémentaires. Elle aussi.

 

Que la comparaison soit positive ou négative, les références citées ne sont pas anodines. Outre Agatha Christie, on a pensé à L'Etranger de Camus – des personnages qui traversent leur vie sans l'habiter, l'écriture neutre – à Balzac, à Proust.

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Mise à jour le 13/03/2024