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Ouvrage 

Titre:
Chroniques du bidonville, Nanterre en guerre d'Algérie
Auteur:
Hervo (Monique)
Edition:
Seuil
Réunion du:
05.03.2013

Commentaire

chroniquebidonville

Engagée dans le service civil, Monique Hervo décide en 1959 de s'installer à La Folie, le bidonville de Nanterre où se rassemblent des réfugiés venant pour la plupart d'Algérie – Aurès, monts du Djurdjura en Kabylie, … – pour fuir les déplacements forcés par l'armée française. Pendant trois ans elle tient un journal dans lequel elle raconte comment s'exerce là la violence policière, jusqu'à la date du 17 octobre 1961 où l'on retrouvera des corps dans la Seine.

Monique Hervo n'a jamais cessé de s'intéresser à cette période sur laquelle elle a constitué une importante documentation.

Le livre est paru pour la première fois en 1971 aux éditions Maspero. Vite épuisé, il n'a pas été réédité jusqu'à maintenant. La présente édition bénéficie d'une précieuse introduction par François Maspero et d'un carnet photographique.

 

Ce livre constitue un témoignage très important, tant pour les lecteurs les plus jeunes qui n'ont pas vécu cette période que pour les autres. Les premiers ont entendu parler de ces événements mais sans pouvoir se rendre compte de ce qu'ils pouvaient représenter. Cela ne veut pas dire que les plus âgés, qui se rappellent l'ambiance ouvertement raciste de l'époque – on se souvient des termes employés pour désigner les Algériens et des ratonades – n'ont rien appris. Car de toute cette période on ne parle pas ouvertement depuis si longtemps et ce qu'on en savait était assez loin de la réalité. Autant dire que ce livre touche toutes les générations à plus d'un titre.

 

Il touche d'abord par la proximité du témoignage, qui prend force et présence dans la description concrète et quotidienne de la vie des habitants de La Folie et par l'identification nominative de chacun.

 

Il démontre l'existence d'un état d'exception dans un état de droit. Une juriste souligne que les lois de l'époque étaient exactement les mêmes qu'aujourd'hui et que cela n'a rien empêché. "C'est un livre qui m'a fait peur, c'est effrayant, on avait là une société fascisante, le droit et la loi n'ont strictement servi à rien".

 

C'est de ce fait non seulement un témoignage historique, mais aussi un témoignage de vigilance, qui appelle à développer une pensée politique.

Et qui rappelle aussi des expériences personnelles. Pour une lectrice qui a connu Nanterre, ses adolescents, ses barres qui ont recouvert les bidonvilles, la lecture a été traumatisante et source de colère. Car même si le confort actuel (eau, chauffage, …), tout relatif qu'il soit, rend toute comparaison impossible, on ne peut pas dire qu'aujourd'hui les choses vont bien, elles vont même très mal.

 

"Il faudrait faire lire aux adolescents ces témoignages." Idée partagée par une autre lectrice, marquée pour la vie pour avoir vu, dans son enfance en région parisienne, des ouvriers algériens qu'on faisait travailler au fouet sur la voie ferrée. Le mal-être et la haine des habitants des banlieues ne viendraient-ils pas de ces souvenirs, exprimés ou tus, des parents ou grands-parents ? "On n'en a jamais parlé, on n'a jamais essayé de réparer quelque chose de tout ça. Il faudrait que ça fasse œuvre pédagogique."

 

Il y aurait encore beaucoup à dire sur l'histoire compliquée de l'Algérie et de la France, et notamment sur les étapes de la colonisation, à laquelle ont participé de nombreux Alsaciens. Et l'on peut se souvenir aussi, à propos de l'ambiance raciste de l'époque, du difficile retour des pieds-noirs.

 

Tous s'accordent en tout cas pour souligner l'intérêt d'un tel témoignage qui nous invite à l'acte politique. C'est heureux que des livres parlent enfin de ce sujet – on pense également à Des hommes de Laurent Mauvignier.

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Mise à jour le 12/04/2024