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CommentaireObligé de travailler de ses mains pour faire vivre sa tante, un jeune homme de 18 ans se fait embaucher dans une scierie. Issu d'un milieu bourgeois, il veut prouver aux ouvriers qu'il peut être aussi fort et aussi habile qu'eux, et devenir en quelque sorte un aristocrate du travail manuel. Le livre est son récit de cette expérience. Il est vraisemblable qu'il s'agit de l'histoire du présentateur du livre Pierre Gripari.
La description de la vie dans les scieries est saisissante de réalisme. Le travail physique, la compétition entre les hommes ("l'autre qui te bourre la machine"), la fatigue, les blessures, l'effort pour soulever les planches, le lever tôt dans le matin froid, le coucher abruti de fatigue, le trajet à vélo dans la nuit, tout y est. Cela évoque même des souvenirs très précis à qui a pu connaître de telles conditions de travail. La transformation des corps s'accompagne de celle des esprits, le narrateur devient sciemment méchant. Ce qu'il a subi le premier jour de la part du patron, au point qu'il pense ne jamais y arriver, il le fait subir à son tour six mois plus tard aux nouveaux venus.
Ce récit très factuel est un témoignage brut, l'auteur ne veut rien défendre, il raconte simplement son histoire sans chercher à glorifier ni à déprécier le travail manuel. On a l'impression de lire toujours la même chose mais on ne se lasse pas car en réalité c'est de pire en pire, la tension monte continûment, la tension progressive de l'effort jusqu'aux limites sans cesse reculées. Le narrateur est dopé à la fois par le travail et par son orgueil. Il reconnaît que ce travail l'a déshumanisé, il ne regrette pas l'extrême dureté qu'il a rencontrée mais "Jamais, jamais je ne recommencerai." Et en effet on peut être effaré que dans des temps pas si lointains – les années cinquante et soixante – de telles conditions de travail amenaient les ouvriers à se mettre les uns les autres en situation de se blesser gravement. Ce qui en dit long sur le degré d'aliénation.
Etre appelé par l'armée pour la guerre d'Algérie a signé la perte – perte de la vie ou perte morale – de beaucoup de jeunes hommes, pour le narrateur c'est paradoxalement le salut, puisque c'est cela qui l'arrache à sa terrible condition.
Ce témoignage très intéressant et très impressionnant évoque d'autres œuvres sur la condition ouvrière, le film Les Grandes Gueules de Robert Enrico, ainsi que les livres Travaux de Georges Navel et 325000 francs de Roger Vailland.
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