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CommentaireNé en Silésie en 1979, Szczepan Twardoch est un écrivain polonais reconnu par de nombreux prix et nominations. Après Transfiguration et Morphine, Drach est son troisième livre traduit en français.
Le roman dessine une fresque panoramique de la famille de Josef Magnor, le personnage principal, du début du 20ème siècle au début du 21ème siècle. Il rend ainsi présente l'histoire de la Silésie, terre fortement marquée par la succession des événements : empire allemand, 1ère guerre mondiale, entre deux guerres, 2ème guerre mondiale, après-guerre, chute du mur.
Le livre s'ouvre sur une scène d'abattage du cochon chez des paysans, à laquelle assiste Josef, qui pose d'emblée nombre des thèmes qui seront développés : la vie et la mort, le rapport entre l'être humain et l'animal, le rapport à la terre. La terre que Josef exploitera, suivant les pas de son père à la mine, la terre dont la boue ocre manquera de l'engloutir dans le nord de la France pendant la 1ère guerre mondiale, la terre dans les entrailles de laquelle il se réfugiera après le meurtre. La terre est ici la narratrice, parfois victime quand elle est exploitée par les hommes, mais aussi ultime fin de tout un chacun. "Tout finit en moi. Sans exception. Il suffit que j'attende, or j'ai l'éternité devant moi." Contemporaine de tout, son récit n'est pas linéaire, elle fait des retours en arrière et anticipe les événements futurs. En guise de titre, chaque chapitre est introduit par la liste des dates qui y seront évoquées. Cette façon de présenter l'histoire relativise la vie et la mort et fait sortir de la logique d'un temps linéaire.
La lecture n'est pas toujours facilitée par la complexité géographique et historique, ni par des dialogues en différentes langues pour la plupart inconnues du lecteur : dialecte silésien, ancien polonais, allemand, russe. Les traductions sont données à la fin de l'ouvrage, certains ont choisi de s'y référer, d'autres non. Les listes de dates, le temps aboli, tout cela peut perturber au début, mais toute cette complexité ne modère pas l'enthousiasme des lecteurs, conquis par l'originalité du ton et de la narration. Le fait que la terre parle, comme la terre qu'on retourne, travaille, remue, et qu'elle traverse les questions du temps, donne un souffle inhabituel au récit. En leitmotiv revient l'interrogation de la terre sur l'importance des événements qu'elle raconte : " […] Ernst sait que rien n'est jamais acquis et que, par conséquent, rien ne peut être perdu, mais ça n'a pas d'importance. Ça n'a pas d'importance." La terre met sur le même plan la vie des chevreuils et celle des hommes, les événements du passé et ceux du futur. Ce sont les lieux qui déterminent l'ancrage, c'est à partir d'un lieu que le temps se suspend, qu'arrivent souvenirs et anticipations. Les personnages sont de petites gens, dont l'histoire incarne et reflète la grande Histoire. On peut même s'étonner de voir le naturel avec lequel les hommes vont à la guerre, comme si c'était dans l'ordre des choses. Mais le sentiment d'absurde n'est pas désespéré, car le ton de la terre est plutôt bienveillant. "C'est un texte étourdissant, une écriture étourdissante, on en a un bon exemple dans les dernières pages avec le mouvement accéléré des personnages qui viennent et qui partent. – Un texte vraiment captivant, tant sur la forme que dans le fond, qui nous intéresse à l'Histoire et à la Pologne."
D'aucuns ont pensé aux livres de Antonio Lobo Antunes ou encore à Confiteor de Jaume Cabré.
Pourquoi le titre de Drach ? Le mieux est de se référer au texte introductif de la traductrice, qui indique que le mot peut désigner en silésien, selon le cas, un chenapan, un cerf-volant ou un dragon. EventList powered by schlu.net Copyright © 2024 120 Grand'Rue. Tous droits réservés.
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