Partages de lectures de l'hiver 2021 |
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>>> Catherine B. nous dit :
Histoires de la nuit – Laurent Mauvignier - Minuit 2020 Pour une première rencontre avec cet écrivain, l’énigme de mon choix était de taille. Certes, les Editions de Minuit ont le prestige de la qualité et je suis entré confiante dans ce gros roman. Je connaissais bien sûr le nom de l’auteur mais que je n’avais jusque là pas eu la curiosité (ou l’élan déclencheur ?) pour le lire, et Histoires de la nuit m’a à la fois énormément plu et étonnée. Un fait divers, qui se résumerait (après coup) à deux lignes dans un journal local, est ici développé sur 640 pages pour devenir un incroyable roman à suspense qui fait frémir, mais sur un rythme tout à fait singulier. J’ai découvert un style très proustien, des phrases monumentales, à lire presque en apnée, sans se presser mais en même temps suffisamment rapidement pour en mémoriser les détours. Sinon le lecteur qui s’attarderait trop sur un mot ou une expression perdrait le fil des propos méticuleux. Et la lecture d’un étrange secret qui se dévoile au ralenti se fait de plus en plus jouissive et d’autant plus facilement que la tension augmente et que se rapproche l’inéluctable catastrophe pressentie. Non seulement Laurent Mauvignier n’épuise pas son lecteur, mais il le revigore et le nourrit avec son art accompli de mots et de silences indispensables pour représenter le huis-clos dramatique qu’il a voulu nous raconter si « poliment » ! Rachid Benzine – Dans les yeux du ciel – Seuil 2020 D’entrée de jeu, la promesse du livre était pour le lecteur de connaître, côté alcôve, la vie d’une femme et des opprimés dans un pays, non nommé mais identifiable à l’un de ceux qui ont connu le « Printemps arabe ». Nour (qui signifie lumière de la lune qui guide dans la nuit et le froid), est cette femme dite de mauvaise vie, qui refuse que son destin concerne sa propre fille Selma. Elle dissimule, louvoie, triche tant qu’elle peut, pour survivre et lutter. Violences et répressions sanglantes s’exercent sur fond de bouleversements politiques et de révoltes liées aux combats mortifères entre les Religieux et les militaires. Et dans la tourmente, cette mère veille amoureusement sur sa fille pour la protéger. Son cri de révolte et le chant du poète, son ami homosexuel, se mêlent pour rêver de liberté pour le petit peuple, et surtout pour les femmes… Le récit de RB trouve les mots pour susciter en nous l’émotion et le désir de révolte et de solidarité pour tous ces hommes et ces femmes qui ont connu la répression et la destruction de leurs espoirs de libération dans une société faite d’interdits. Roman sombre et désespéré, très dur, très cru et parfaitement réaliste… (01/02/2021)
Antoine des Gommiers – Lyonel Trouillot – Actes sud Dans les "corridors" des quartiers déshérités de Port-au-Prince, règnent la misère, la cruauté, la débrouille, la violence, les gangs, mais parfois aussi l'amitié et la tendresse. Ti Tony raconte la dure réalité de leur vie pendant que son frère, Franky, amoureux de littérature, reconstitue la vie de leur lointain ancêtre Antoine des Gommiers, figure mythique de devin. Dans un style plein de poésie, l'auteur fait ainsi en contrepoint une peinture sans concession de la vie dans les quartiers pauvres et un hymne au rêve, à la légende, au pouvoir des mots. (02/02/2021) Funambule majuscule – Guy Boley – Grasset Un tout petit livre pour retrouver avec délectation des auteurs aimés : lettre de Guy Boley à Pierre Michon et réponse de Pierre Michon. A (re)lire absolument dans la foulée : "Fils du feu" de Guy Boley, belle écriture, belle sensibilité, belle générosité, que du bon ! (03/02/2021) >>> Myriam W nous dit :
SERGE de Yasmina REZA Chronique familiale d’une fratrie composée de Serge, Jean et Nana Popper, qui commence à la mort de leur mère. "Depuis qu'elle est morte, les choses se sont déréglées". La mère, celle qui tenait "la baraque de bric et de broc" de la famille Popper vient de succomber au cancer. Elle expire dans sa chambre, achevée par l'arrivée d'un lit médicalisé, qui lui a "cloué le bec". J’ai beaucoup aimé ce livre et je trouve que c’est l’auteure qui résume le mieux ce que j’en ai pensé « Les personnages de mes textes ont peur de l’immobilité. J’approuve ce point de vue. Je n’ai pas du tout l’impression d’être une sorte d’entomologiste des travers humains. Encore moins d’écrire des satires. J’essaie plutôt d’écrire une cartographie de la solitude, et je dépeins les soubresauts malencontreux qu’ont les hommes pour y échapper. Évidemment, cela crée des formes drôles et même cruelles, parce que c’est la vie, mais je m’associe toujours de plain-pied à mes personnages. Dans Serge, ces personnages sont de jeunes vieux, ils se voient vieillir, pas côte à côte comme un couple, mais comme des frères et sœurs qui ne se voient pas tous les jours et qui peuvent repérer les signes de vieillissement qui les renvoient à eux-mêmes. C’est le corps mourant qu’ils contemplent, brusquement. Cela ne relève pas du glissement, c’est soudain. La finitude rôde, on ne peut pas l’esquiver éternellement comme on tente de le faire dans la vie, et l’écriture est vraiment l’endroit où on peut affronter ça. »
JEU BLANC de RICHARD WAGAMESE Voici l’histoire de Saul Indian Horse, un jeune Ojibwé qui a grandi en symbiose avec la nature, au cœur du Canada. Lorsqu’à huit ans il se retrouve séparé de sa famille, le garçon est placé dans un internat par des Blancs. Dans cet enfer voué à arracher aux enfants toute leur indianité, Saul trouve son salut dans le hockey sur glace. Joueur surdoué, il entame une carrière parmi les meilleurs du pays. Mais c’est sans compter le racisme qui règne dans le Canada des 70’s, jusque sur la patinoire. On retrouve dans Jeu blanc toute la force de Richard Wagamese : puisant dans le nature writing et sublimant le sport national canadien, il raconte l’identité indienne dans toute sa complexité, riche de légendes, mais profondément meurtrie. Après « Les étoiles s’éteignent à l’aube » que j’ai beaucoup aimé, j’ai voulu lire d’autres livres et je n’ai pas été déçue. Jeu Blanc est aussi beau et prenant et bien que ne connaissant absolument rien au Hockey sur glace, j’ai été fascinée par les descriptions de déplacement du palet, des joueurs, l’intensité des parties, on a l’impression d’être avec lui sur la glace c’est vraiment « magique ». Bien sûr le sujet du racisme et de l’exclusion est très présent et se retrouve en première ligne. « Je ne sais plus très bien quand je me mis à boire. La seule chose que je sais, c’est qu’alors le grondement au fond de mon ventre s’apaisa. Dans l’alcool, je découvris un antidote à l’exil. Je quittai l’arrière-plan pour devenir un blagueur, un clown, un conteur qui relatait des histoires de voyages et d’événements insensés. En fait, je n’en avais vécu aucune, mais j’avais suffisamment lu pour rendre ces récits vivants, crédibles et captivants. Au milieu des grandes claques, des coups de poing et des gros éclats de rire qui les accueillaient, je découvris qu’être quelqu’un que l’on n’est pas est souvent plus facile que de vivre sa propre vie. » Dans la foulée j’ai aussi lu Starlight, son dernier roman « inachevé » et je n’ai pas été déçue.
LES PANTOUFLES de JEAN MICHEL FOUASSIER « Ne jamais sortir de chez soi en pantoufles avec ses clefs à l’intérieur ! Ou alors être prêt à l’aventure urbaine et sociale. Le héros de cette épopée urbaine va éprouver le pouvoir de ses charentaises et de quelle manière sa vie, pourtant si banale, peut en être changée. Face à ses collègues de travail, sa famille, ses amis, les forces de l’ordre, voire la confrérie des farfelus, il se lance pendant plusieurs jours dans un combat inattendu pour imposer sa si tranquille façon de marcher et de regarder les gens, à hauteur de chaussettes. Ce numéro de funambule s’achèvera devant un spectacle de Guignol, joliment. » De l’humour et de la dérision, un petit moment de bonheur avec ce livre atypique à la couverture originale, d’un auteur que je ne connaissais pas.
Et encore quelques belles lectures : LES ORAGES de Sylvain Prudhomme (nouvelles) PAR INSTANTS LA VIE N’EST PAS SÛRE de Robert Bober
>>> Christiane S nous dit : Mes récentes lectures : L'apparition du chevreuil, Elise Turcotte, Ciblée par de nombreuses menaces, dues à son statut d'écrivaine féministe et militante, la narratrice s'isole dans un chalet en pleine forêt pour disparaître. Face à la neige qui recouvre tout au-dehors, elle peut s'abandonner à son monde intérieur et retrace pour nous le fil des événements. Elle se souvient de l'arrivée du beau-frère dans la famille, toute la violence des hommes qu'il cristallise à lui seul. A son contact les personnalités s'effilochent et l'inacceptable devient pardonnable ; la famille détourne les yeux, on lui demande à elle, l'écrivaine, de maintenir la paix par le silence, de céder à ceux qui tentent depuis toujours de tuer le langage. Or, face à cette violence, elle ne peut qu'ouvrir une porte à la vérité par l'écriture et tenter de construire un témoignage universel. *** pour moi La voyageuse de nuit, Laure Adler, C'est un carnet de voyage au pays que nous irons tous habiter un jour. C'est un récit composé de choses vues sur la place des villages, dans la rue ou dans les cafés. C’est une enquête tissée de rencontres avec des gens connus mais aussi des inconnus. C’est surtout une drôle d’expérience vécue pendant quatre ans de recherche et d’écriture, dans ce pays qu’on ne sait comment nommer : la vieillesse, l’âge ? * pour moi A son image, Jérôme Ferrari, Un roman consacré à une photographe décédée qui aborde le nationalisme corse, la violence des conflits contemporains et les liens troubles entre l’image, la photographie, le réel et la mort. Prix littéraire du Monde 2018, prix Méditerranée 2019. *** pour moi Avec de bons auteurs, on se régale... dans ces temps de grisaille
>>> Sonia G nous dit : 1) Le roman de Rachel KADISH « the weight of ink » (de sang et d’encre en traduction française) Editeur Le Cherche Midi L’éducation éclairée de cette jeune fille et sa volonté d’écrire et de se cultiver dans une période très troublée intellectuellement étonne dans un milieu où, les oppositions religieuses et politiques ambiantes, les symptômes de déjudaïsation des anciens marranes, les tensions intracommunautaires et celles avec la population anglaise sont des évènements très courants.
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