La treizième nuit
A quoi ressemble-t-elle, la treizième nuit que vous imaginez ?
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Texte C.Si. – 10/09/2013
La 13e heure.
Aucun bruit à cette heure matinale. Il étendit les bras sur le dossier du banc de bois blanc que ses parents venaient de faire installer dans la roseraie et il se laissa glisser, mollement, suivant sans attention les hirondelles qui zébraient le ciel là-bas, du côté de Granville, et qui troublaient sans complaisance son humeur maussade. Qu’allait-il faire ? Qu’allait-il devenir ? Cela faisait quelques mois maintenant que la galerie de Paris avait dû être fermée. Avec Jacques Paul, ils avaient dû se résoudre à constater qu’elle n’était pas rentable. Ils n’avaient pas pu trouver d’autres solutions, les bourses se vidaient, les affaires s’emballaient, la valeur de l’argent s’effondrait vertigineusement ! Mais ils avaient mis toute leur énergie à le faire savoir. Quelle fin, mes amis ! Quelle dernière soirée ! Ils étaient tous là. Pablo avait amené sa nouvelle conquête, Marie-Thérèse. Grande brune au port altier, elle lui avait donné l’impression d’une sauvage domptée par une féminité tenace. Corps svelte drapé d’une cotonnade bleu cobalt parsemée dans le bas de nymphéas blancs. Une ceinture peut-être, blanche, aurait donné davantage de graphisme au bustier ajusté. Il y avait repensé et dans les jours qui avaient suivi, Christian avait croqué plusieurs robes sur ce thème floral. En fin de soirée, la tonitruante Tamara, récente divorcée de son comte Lempicki, avait déboulé à grands coups de klaxon, et dans un tourbillon vert soyeux, une flûte de champagne pétillant dans sa main gantée de cramoisi, elle avait volé la vedette à ce pauvre Salvator, qui pourtant avait déployé son numéro habituel.
Et maintenant ? Revenu à la villa des Rhumbs, sur cette côte qui l’avait vu naître, Christian, morose, se demandait comment occuper les quelques mois qui le séparaient de l’inévitable service militaire. Avec quoi allait-il subvenir à ses besoins ? Sa chère mère le lui rappelait quotidiennement et avec de plus en plus d’insistance ! La dure réalité c’était que l’usine familiale d’engrais, la Maison Dior, commençait à subir les effets d’une crise annoncée et qu’une rumeur de vente était dans l’air. Questions désagréables, ô combien trop concrètes ! Chassant ces vaines pensées, Christian laissa le charme du lieu opérer. Il savourait d’être ici, à l’ombre des grands pins, sur cette plate-forme surplombant la falaise océane, tressée par endroits de lierre sombre. En son centre une petite fontaine en marbre bruissait, et trois bancs blancs encastrés dans une variété de massifs de roses, donnaient à admirer les buissons à grandes fleurs des Champs-Elysées, les rosiers mauves argentés des Intermezzo. Chassant d’un soupir toutes ces questions qui, en ce matin sublime, l’accablaient, il sortit son carnet de croquis, et se mit à dessiner. Longue silhouette liane, robe bustier esquissée, il nota de biais, soie blanche brodée de galons bleu nuit portée avec une rose à la taille. Il l’appellerait « Marine ». Une robe du soir agrémentée d’un collier ras-de-cou en pierres de cristal violet jaillit de son crayon. « Portugal » ? oui ! Les couleurs, les formes, les tissus s’imposaient. Il imagina ensuite une robe à danser, un millefeuille de tulle noir brodé de perles pour la jupe évasée, sur fond de satin de soie rose, un dos ouvert, un large drapé d’organdi rose pâle pour les épaules, il l’appellerait « Nuit d’encre ». Non ! Nina, la grande Ricci, avait donné ce nom à un parfum ! Alors, ce serait « 13e heure ».
Il frémit à l’évocation des femmes, de ses femmes, déambulant sur une avenue d’élégantes, ainsi vêtues de tenues à faire murmurer les passants. Il s’arrêta, songeur, feuilleta son carnet, rempli de silhouettes, d’objets, d’échantillon de tissus… Mais, qui vraiment, qui ? pourrait jamais être intéressé par ses gribouillages ? Subitement il repensa à l’autre soir. L’autre soir, à la galerie, Nina lui avait présenté un certain Christobal Balenciaga qui venait d’ouvrir une boutique à Paris « Cher Cristobal, je vous présente Christian Dior. Il faudra bientôt compter avec celui-là ! Il dessine merveilleusement bien ! Il y a vraiment quelque chose dans ses croquis ! ». Pourquoi pas…. Christian se promit d’explorer cette piste …
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Texte A.J. – 25/06/2013
La treizième nuit
Ils avaient quitté l'auberge ce matin-là comme tous les matins. Le plus vieux des trois sages, celui qui était le chef, avait dit : « C'est notre dernière étape ; ce soir, nous serons arrivés ». La caravane avait parcouru un pays de collines où paissaient des troupeaux de moutons. Il y avait des champs où pousserait le blé, des figuiers, de la vigne, des oliviers. Un beau pays qui les changeait des terres ingrates qu'ils avaient traversées. Quand ils arrivèrent au village qui était le but de leur longue marche, ils trouvèrent l'habituel poste de douane. L'un des employés demanda à son collègue la date. « Le 7 des ides de janvier ». Le vieillard réfléchit un moment, puis demanda : « En es-tu sûr ? On devrait être le 8 ». La réponse accabla les voyageurs qui hésitèrent un instant. De toute façon, il était trop tard pour reprendre la route. La nuit était tombée, l'étoile était là, indifférente au calendrier des occupants. L'enfant allait commencer son treizième jour ; il les attendait dans les bras de sa mère. C'est ainsi, n'en déplaise à Shakespeare, que la nuit des rois, ce ne fut pas la douzième, mais la treizième nuit.
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Texte M.N. – 25/06/2013
La treizième heure
« … la treizième, que j’te dis, c’est pourtant clair, celle d’après la douzième… »
Un instant pensif, Marcel haussa finalement les épaules, accoutumé aux étranges soliloques d’Isabelle, laquelle à grandes enjambées, traçait à travers la pelouse du parc d’improbables itinéraires, larguant des discours pour le moins décousus à « tous ces gens qui grouillaient là dans son crâne et l’assommaient … »
« La treizième au cadran, messieurs dames en avant ! »1 lança alors Mireille à la cantonade, sur un air d’opérette fort décoiffant
Vincent interrompit son dialogue avec le peuplier qu’il avait assigné à recevoir quotidiennement ses questionnements mathématico-poético-politiques, se gratta la tête au-dessus de l’oreille, sortit son carnet pour noter, puis se ravisant, fonça vers l’infirmerie.
Surgissant de derrière la cuisine, Pierre se tordait les mains, la tête en avant, et semblait aux prises avec un problème dont l’urgence le disputait à l’insoluble. « Treize heures à la douzaine c’est dans quel mois ? » marmonnait-il, les yeux écarquillés sur le rien…
Tinette ne trouva alors rien de mieux que d’apparaître en rigolant et lâchant par saccades, dans des aigus déchirants, « ça va saigner, ça va saigner ! ».
« Qui veut venir à l’atelier poterie cet après-midi ? », demandaient là-bas deux stagiaires, sans percevoir à quel point leur invite était à l’instant mal venue.
Raccompagnant un fou payant venu lui confier ses inquiétudes quant à la marche du monde, « et ceci particulièrement à propos de la qualité déplorable du fromage de chèvre depuis la grande crise des années trente, preuve évidente des contradictions internes du système capitaliste », et découvrant la scène, le fou payé en chef alluma une cigarette, esquissa un sourire. Justement, Serge, un autre fou payé, arrivait. Échangeant un regard complice, ils attendirent la suite. Être là, dans l’ouvert…
« Ding ding … treizième heure, tout le monde à table et tous aux abris ! », entonna Jacques B. en tirant la cloche, « aujourd’hui potée berrichonne et salade de fruits ».
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1 Chanté (genre polka)
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Texte 1 C. R. – 30/04/2013
LA TREIZIEME NUIT # 1 : Le Fantôme
Michel évalue le reste de ses vivres. Encore assez pour deux jours, en se rationnant. Après, il faudra retourner à Gangotri, retrouver les hommes. Toujours rien. Le silence de la montagne est pourtant rempli du bruissement des feuilles, de petits cris d’animaux, tiens, là, le couinement d’un rongeur. Une musaraigne, peut-être. Il attend. L’appareil s’est déjà déclenché automatiquement plusieurs fois, mais jamais pour le fantôme. Un mouflon, un pika, ça oui, mais pas de fantôme. Michel ressort de sa tente, se rassoit sur la large pierre plate qui lui sert de coussin, immobile et silencieux, pour admirer les derniers rayons du soleil se reflétant sur le glacier, de l’autre côté de la vallée. Il soupire, relâche la tension de ses épaules. Le fantôme est diurne, aucune chance pour qu’il apparaisse cette nuit, la treizième qu’il passe, là, au bord du Bhagirathi, ce torrent aux eaux si claires qui donnera, bien plus en aval, le Gange.
Le Canon ne s’est jamais déclenché. Mais dans la pénombre du crépuscule, la tache claire du pelage fauve n’a pas échappé à Michel. Solidement campé sur ses larges pattes, sa longue queue épaisse décrivant l’arc de cercle des prédateurs repus, le léopard des neiges contemple l’homme en souriant.
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Texte 2 C. R. – 30/04/2013
LA TREIZIEME NUIT # 2 :
Cette fois, ça y est. Bénédicte est décidée. C’est que ça ne peut plus durer, aussi, ce cirque. Ça fait maintenant treize nuits que Loïc dort sur le canapé, dont les ressorts lui labourent les lombaires. Bénédicte ne peut pas s’empêcher de penser que c’est bien fait pour lui. Il n’avait pas besoin de tripoter cette fille, là, toute en seins. Des faux, indubitablement. Bénédicte n’a qu’à regarder sa propre poitrine pour savoir que des glandes mammaires normalement constituées ne défient pas à ce point la gravité. Mais Loïc, cet obsédé, est bien incapable de faire la différence. Qu’importe le nichon, pourvu qu’on ait le string. Gros naze. Bénédicte sent un léger ressentiment affleurer. Quoique pour être honnête, à voir Loïc étendu sur son convertible, caleçon à la Beckham et chaussettes à la Bidochon, c’est plus qu’un léger ressentiment. Bénédicte a la haine. C’est qu’il ronfle, en plus, ce con. Manquerait plus qu’il ne flatule. Voilà. C’est fait. Bénédicte en a marre. C’est qu’elle est raffinée, elle. La preuve, elle aime les sushis. La pensée du poisson cru l’entraîne à la cuisine, dont elle farfouille les tiroirs à la recherche du superbe tranchoir jamais utilisé. Comme il faut un début à tout, Bénédicte s’essaie à faire quelques moulinets en rejoignant le salon. Il est bien équilibré, il n’y a pas à dire, ils sont forts, ces Japonais.
Les gendarmes l’ont retrouvée boudeuse, bras croisés, assise sur le rebord du canapé. L’a bien cherché, ce naze.
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