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Commentaire
La prouesse du livre est de raconter en 140 pages à la fois la grande histoire – occupation russe, montée du communisme, printemps de Prague – et l'histoire d'un individu particulier, le coureur Emil Zátopek. En quelques pages sont donnés tout un pan de vie et son contexte historique et politique. Pour mémoire, le phénomène était tel à l'époque que quiconque se mettait à courir pouvait s'entendre encourager d'un "vas-y Zátopek !". Le ton désinvolte de l'auteur semble d'abord se moquer du lecteur, mais le livre est au final plutôt amusant, ponctué d'épisodes très drôles comme celui du porte-drapeau vexé ou de la fausse "amie" de Zátopek, pour ne citer que ceux-là. Est reconnu le savoir-faire de l'auteur, qui invente une écriture pour son personnage, comme il avait déjà fait pour Ravel au moment où celui-ci composait le Boléro. L'exercice d'écriture est jugé compliqué, difficile. On voit courir Zátopek, le récit avance, le rythme est soutenu, on ne s'attarde pas. Dans ce sens on ne peut pas reprocher au roman d'aller trop vite. L'écriture "est" courir. Un lecteur a cherché des photos sur Internet, a reconnu Zátopek et son style pour l'avoir déjà vu courir en lisant le livre. Un autre lecteur, qui a vu le coureur à l'époque à la télévision, a lu le livre en noir et blanc … C'est une biographie de sportif et pourtant il n'y aucun "chrono", aucun record chiffré, on n'apprend juste qu'un record est battu d'une seconde. De même pour les événements politiques, très présents mais sans vraie chronologie, tout au plus avec quelques repères. Il y avait également dans Ravel peu de références musicales. Jean Echenoz invente-t-il un style de biographie romancée ? Le large consensus des lecteurs est nuancé de quelques réserves quant à l'intérêt réel de l'exercice ("oui, c'est bien, mais le livre refermé, que reste-t-il ?") voire carrément battu en brèche : pourquoi modifier le nom d'Emil Zátopek en émile Zatopek ? Le ton désinvolte n'oblige pas aux fautes de français ("à cause que"), l'écriture est condescendante, prétentieuse et prend de haut le personnage, enfin tout cela finit en queue de poisson. En tout cas le roman rend très bien la distance entre ce qu'on imagine être un champion olympique et l'homme Zátopek. Dès le début jouet des événements, tout le dépasse, il se laisse mener, il flotte, on dirait qu'il n'est jamais concerné. C'est l'histoire extraordinaire d'un homme tout à fait ordinaire, ni sympathique ni antipathique, il est entré dans cette histoire puis il lui a fallu continuer. Certains auraient aimé savoir de quel côté était Zátopek, s'il était le jouet du pouvoir, ce que pense l'auteur de la fin de sa carrière de sportif.
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