Si l'on voulait résumer le roman d'une phrase, ce serait "la vie absolument lamentable d'un Nobel de physique". L'odieux Michaël Beard cumule en effet de nombreux défauts qu'il déploie à plaisir dans ses mariages successifs et dans son travail. Lâche dans ses engagements et usurpateur, il vit sur son Nobel, pille les idées de ses collègues, laisse par commodité accuser un innocent de meurtre. Il ne parvient pas pour autant à être totalement antipathique. Il a tous les défauts de la terre mais sait se faire aimer malgré tout.

Le roman est grinçant de par les thèmes traités, mais amusant par le ton de la narration, par ailleurs très bien menée. L'expédition scientifique au pôle Nord est le théâtre de nombreuses scènes loufoques, celle où Beard doit assouvir un besoin naturel par des températures très négatives est particulièrement divertissante. Elle montre un personnage pataud, empêtré dans ses maladresses, ses contradictions, ses angoisses.

Le milieu dans lequel Beard évolue est fort bien restitué. C'était déjà le cas dans Samedi du même auteur, où le métier du personnage principal, neurophysicien, donnait à l'auteur la possibilité de déployer une véritable expertise sur le fonctionnement du cerveau. Ici le questionnement sur l'écologie et l'avenir de la planète est amplement développé. Il aborde tous les angles de vue et toutes les prises de position sur le sujet. Sont aussi parfaitement crédibles les relations entre scientifiques, le déroulement des conférences, la vacuité de certains propos, le gaspillage de l'argent public. Tous ces éminents scientifiques, au statut social élevé, sont montrés dans les circonstances ordinaires de la vie sous un jour peu reluisant. Sans toutefois tomber dans la facilité, tantôt la morale est sauve, tantôt l'amoralité prend le dessus.

Les quelques réserves émises par les lecteurs portent sur le style, sans originalité particulière, ou sur la difficulté d'accompagner un homme aussi narcissique, ou encore sur les relations un peu caricaturales qu'il a avec sa dernière femme. Certes il a eu le Nobel un peu tôt dans sa vie, n'empêche qu'à la fin, avec le discours de réception du Nobel, on se prend à croire que le personnage a vraiment existé.

Le livre a globalement séduit, amusé, intéressé.