La course contre la montre, aux Etats-Unis, pour créer les premiers la bombe atomique, c'est le sujet qu'abordent les deux livres "Manhattan Project" de Stefano Massini et "Filles atomiques" de Elisa Díaz Castelo. Il a été convenu de ne pas lire l'un sans l'autre, ce qui s'est avéré intéressant et pertinent. Les deux livres sont proches non seulement par le sujet traité, mais aussi par leur forme : dans les deux cas c'est de la prose poétique en vers libres, c'est du théâtre, et le sujet est abordé à travers le ressenti de différents protagonistes qui tournent autour du projet, comme autour d'une question à laquelle il est impossible de répondre.

Elisa Díaz Castelo est une poétesse et traductrice mexicaine à la reconnaissance internationale. Ses recueils ont été récompensés par de très nombreux prix, au Mexique et à l’étranger.

-       ""Filles atomiques" présente des points de vue féminins, c'est un texte hybride qu'on peut mettre en parallèle avec le livre de Massini. On a la vision de la femme d'Oppenheimer, de sa maîtresse, d'une scientifique et de petites mains. L'auteure décrit plutôt un malaise."

-       "J'ai lu d'abord le livre de Massini, puis celui d'Elisa Díaz Castelo, avec lequel arrive l'élément féminin. On peut noter qu'il n'y a qu'une seule femme sur la photo des scientifiques de la couverture de "Manhattan Project". J'ai mieux apprécié ces "Filles atomiques", qui est aussi une pièce de théâtre et qui présente des résonances avec l'actualité. "

-       "C'est plus fort dans l'écriture que le livre de Massini. Les femmes n'ont pas toutes le même point de vue. Il y a beaucoup de cynisme chez la scientifique. J'ai plus aimé ce livre-là, qui a moins d'unité et plus d'intérêt. L'opposition entre les différents points de vue est intéressante."

-       "Le livre est d'une tonalité triste, les jeunes femmes parlent de l'avenir qu'on leur enlève. Entre rage et fatalisme, elles évoquent leur innocence volée, et le fait qu'elles se sentent utilisées. Chaque voix a une identité qui constitue un portrait."

-       "Le livre d'Elisa Diaz Castelo porte dans sa version originale le même titre que celui de Massini : Manhattan Project. Autre originalité, c'est un livre bilingue : après la traduction française, on a la version espagnole. Ce qui est singulier, c'est que le livre, à la différence des bilingues habituels, ne se présente pas comme tel. On découvre, une fois terminée la lecture en français que le livre reprend en espagnol et on s'amuse à voir si on a bien tout en deux fois. Le titre "Filles atomiques" m'a fait penser à une autre histoire : celles des montres au radium dont on voyait l'heure la nuit. C'était aussi des filles qui travaillaient et qui redonnaient forme à leurs pinceaux en les mettant à la bouche et qui s'irradiaient ainsi. C'est le revers du livre de Massini, une autre façon de voir l'histoire. Dans ce livre aussi, la forme est poétique. Il faut lire les deux ouvrages."

-       "C'est un beau texte poétique, également de forme théâtrale. Il donne la parole à des femmes impliquées directement ou indirectement dans le projet, elles parlent de leur quotidien dans le contexte de ce projet. C'est assez désespéré. Les protagonistes sont tous dépassés par leur vie, par les recherches qui ont mené à la bombe atomique et par la question éthique que cela pose, à savoir la capacité des humains de s'autodétruire totalement."